En 1862, le régiment des Lanciers de la
Garde tient garnison à Fontainebleau. En
1867, il est à Paris où il est
employé à la sécurité
des souverains étrangers lors de
l'Exposition Universelle.
En 1869, les 2e, 3e, 4e et 5e escadrons du
régiment sont constitués en fractions
mobilisées pour former une brigade active
avec les Dragons de l'Impératrice.
Le régiment quitte Paris en fin
d'année pour rejoindre Melun où il
tiendra garnison jusqu'à la guerre de 1870.
Le 16 juillet 1870, le régiment
reçoit l'avis de se tenir prêt
à partir au premier ordre et le lendemain,
la France déclare la guerre à la
Prusse. Les français sont persuadés
que la victoire ne leur échappera pas et ce
sentiment est notamment perceptible chez les
parisiens qui crient dans les rues :" A Berlin ! ".
Du 21 au 24 juillet, le régiment est
acheminé par vagues successives à
Nancy par le train. Le regroupement de l'ensemble
du régiment s'opère dans la
vallée de Malzéville ( sur la rive de
la Meurthe ) au nord de Nancy.
Le 27 juillet, le régiment des Lanciers
de la Garde traverse Metz pour s'installer dans
l'île de Chambière où il
séjournera jusqu'au 3 août sans faire
aucun mouvement et où le Prince
Impérial inspectera les troupes. Quelques
accrochages ont déjà eût lieu
la veille contre les Prussiens en Lorraine et il
semblerait que le régiment n'y ait pas
participé.
Le 4 août, alors que des combats
sérieux ont lieu au sud de Wissembourg (
Bas-Rhin ), le régiment est mis en alerte
dans la nuit. Il ne se mettra en mouvement que dans
l'après-midi pour rejoindre la ligne de
front.
Le 6, les Prussiens déclenchent une
offensive simultanée en Alsace et en
Lorraine. Mac Mahon et ses 46000 hommes à
Froeschwiller et Frossard à Forbach
subissent les assauts et le feu ennemis.
Au lendemain de cette attaque, la division de
Cavalerie de la Garde se met en marche à la
pointe du jour; elle suit un chemin vicinal pour
aller se former dans le vallon de Boucheporn
près de Limeng. Le régiment des
lanciers s'arrête, les chevaux ne sont pas
déchargés et les hommes conservent la
bride au bras. Des reconnaissances sont
envoyées en avant du front. Vers 2 heures de
l'après midi, les cavaliers se remettent en
marche vers l'Est. Deux heures plus tard, le
régiment traverse le village de
Longeville-les-saint-Avold, gravit les pentes
escarpées qui dominent le village et
s'établit au bivouac mais sans dresser les
tentes.
Cependant, le canon continue de se faire
entendre dans la direction de Forbach;
déjà, le bruit de la défaite
du Maréchal Mac-Mahon à Froeschwiller
circule dans le camp et procure la plus vive
inquiétude. La nuit, on donne l'alerte et
l'ordre de monter à cheval, on crie "aux
armes !", les hommes s'activent, se
précipitent vers leur monture mais presque
aussitôt, on donne un contre-ordre qui plonge
les cavaliers dans l'inaction.
Le lendemain, l'armée française se
replie sur Metz. Mac Mahon a été
battu, tout comme Frossart. Le régiment suit
le mouvement de retraite avec la division de
Cavalerie de la Garde qui s'installera dès
le 10 août au bivouac près de Maizery,
sur les hauteurs qui forment la première
ligne de défense du camp retranché de
Metz.
Le 10 août, l'armée
française semble vouloir offrir la bataille.
La Division de Cavalerie de la Garde est au centre
du dispositif, toujours sur le plateau de Maizery
où elle reste en position tout le jour et
une partie de la nuit suivante. Mais les cavaliers
apprennent que l'ennemi se dérobe par une
marche de flanc par le sud de Metz.
Le lendemain, au grand matin, le régiment
des Lanciers de la Garde quitte sa position pour
aller dans la direction de Metz et après une
marche lente et pénible dans des terrains
détrempés, il arrive dans la nuit
dans les environs de Borny où il s'y
installe jusqu'au 13 août.
Il faut signaler ici la situation sur le
théâtre des opérations.
Quelques jours plus tôt, le maréchal
Bazaine a été chargé par
l'Empereur d'opérer une jonction entre
l'armée du Rhin avec celle de Mac-Mahon afin
de stopper la marche des Prussiens sur Paris. Or,
Bazaine désobéit aux ordres et
préfére agir selon son idée.
Le résultat est désastreux : les
troupes françaises se font encercler autours
de Metz par l'armée ennemie, l'ordre de
retraite sur Verdun ayant été
donné beaucoup trop tard.
Le 14 août, les troupes de Von Moltke
passent à l'offensive mais elles se heurtent
à une résistance acharnée des
français. Quant au régiment des
Lanciers de la Garde, bien qu'il soit en bivouac
près de Borny, il ne prendra pas part aux
combats qui auront lieu le 14 août dans le
secteur. Il ne fera qu'un service de
reconnaissance. Dans la soirée, le mouvement
de retraite sur Verdun commence et le
régiment traverse péniblement le long
défilé des rues de Metz
encombrées de blessés et de cadavres.
Le lendemain, la division de Cavalerie de la
Garde, après avoir laissé
défiler devant elle les différents
corps de la garde avec leurs batteries, prend la
queue de la colonne et se remet en marche. Dans
l'après midi, les troupes françaises
commencent l'ascension des collines de la rive
gauche de la Moselle en suivant la route qui
s'élève presque sur le plateau.
L'Empereur est à Gravelotte. Le
régiment des Lanciers de la Garde
dépasse ce village et vient se former au
delà sur plusieurs lignes. Les cavaliers
mettent les chevaux à la corde mais les
tentes ne sont pas dressées. Pendant la
nuit, le régiment reçoit l'ordre de
se tenir prêt à partir à la
pointe du jour ( avec les Dragons de
l'Impératrice ) pour escorter l'Empereur sur
la route de Conflans.
le 16 août, à l'aube, la 2e brigade
de Cavalerie de la Garde, sous le commandement du
général Defrance, se met en marche.
Les Dragons de l'impératrice
précédent les voitures de l'Empereur;
les lanciers de la garde les suivent.
La Troupe fait 35 km au trot, ne prenant le pas
que dans les montées. Vers 8 heures du
matin, après avoir dépassé
Conflans, l'Empereur fait faire halte et des
reconnaissances sont envoyées. Aprés
quelques moments de repos, l'Empereur décide
de continuer la route, escorté par les 1er
et 3e régiments de Chasseurs d'Afrique qui
étaient partis la nuit pour éclairer
la route jusqu'à Conflans.
La Bataille de
Rezonville
Aussitôt après le départ de
l'Empereur, les cavaliers ont mis les chevaux
à la corde et chacun s'occupe de
préparer le repas lorsque vers 10 heures,
une violente canonnade se fait entendre dans la
direction de Rezonville, Vionville et Mars-la-Tour.
Le bruit devenant plus intense, le
général Defrance reçoit
l'ordre du général du Barrail de
faire monter à cheval et de marcher au
canon.
En un instant, les escadrons sont prêts,
la brigade part au trot, traverse le village de
Villers les Prés et s'engage ensuite dans le
bois de Greyere d'où s'entendent très
distinctement les décharges des
mitrailleuses et les feux des bataillons.
Au-delà de ce bois se livre la bataille. Le
village de Rezonville semble être le point
sur lequel se dirigent les efforts des deux
armées.
La bataille continue avec acharnement. Le
général Du Barrail, avec le 2e
régiment de Chasseurs d'Afrique est
près du bois, formant l'extrême droite
de la ligne française. Le
général Defrance court mettre sa
brigade à sa disposition.
Vers 2 heures de l'après-midi, un gros
nuage de poussière très épais
s'élève au delà de la route de
Paris et indique un mouvement important de
cavalerie. Le général du Barrail
envoie un escadron de Chasseurs d'Afrique en
tirailleurs pour reconnaître cette troupe
tandis que le gros de la division se retire dans le
bois. En même temps, une batterie
d'artillerie prend position dans une
clairière se tenant prête à
écraser de son feu la troupe qui tenterait
de s'approcher.
Devant ces dispositions, l'ennemi arrête
sa marche et au lieu d'inquiéter le
mouvement de retraite des tirailleurs du 2e
Chasseurs, il "tourne bride" et disparait pour ne
se montrer que plus tard dans la soirée.
Vers 6 heures du soir, un officier d'ordonnance
envoyé par le général du
Barrail prévient Defrance que la cavalerie
allemande aperçue dans la journée
revient pour chercher à tourner l'aile
droite française pour tenter de tomber sur
les derrières de l'infanterie. L'ordre est
immédiatement donné de marcher
à sa rencontre.
Pour joindre l'ennemi, il faut descendre un
énorme ravin presque à pic, franchir
un ruisseau fangeux, remonter ensuite le versant
opposé et alors seulement se former sur le
plateau. Ce mouvement difficile est
néanmoins exécuté rapidement
par les escadrons, à la voix du colonel
Latheulade et le régiment continue à
s'avancer au pas dans la direction du village de
Ville sur Yron. Il se provient alors un moment
d'incertitude sur la nationalité de la
troupe qui est en vue, car la distance est encore
grande. Mais bientôt, le doute n'est plus
permis. Le colonel de Latheulade levant son sabre
s'écrie : " ce sont eux ! Chargez ! " Ce
commandement est vivement
répété et les Lanciers partent
au galop, la lance croisée. Les Allemands
fondent sur le régiment aux cris de "Hurrah
! "... Le choc est terrible. Le premier rang
allemand est presque entiérement
détruit à coup de lance, la
première ligne ennemie est traversée,
puis une deuxiéme, puis une
troisiéme...
A partir de ce moment, il est difficile de
raconter nettement les incidents de cette grande
lutte : au choc a succédé la
mêlée; ce n'est plus que coups de
sabre et de lance, détonations d'armes
à feu, chevaux et cavaliers tombant les uns
sur les autres, cris de rage et de
désespoir...
|
Colonel de
Latheulade
|
Cependant, le ralliement sonne et le
régiment vient se reformer sur le plateau
d'où il est parti. Les cavaliers allemands
poursuivent les escadrons du régiment en
hurlant leur cri de guerre "hurrah" et,
arrivés sur le bord du ravin, couvrent de
balles les malheureux cavaliers tombés avec
leurs chevaux en voulant repasser le fossé
fangeux.
Le colonel de Latheulade, atteint de nombreuses
contusions - heureusement sans gravité - son
sabre rouge de sang dont la lame est tordue,
s'occupe alors de rallier ses lanciers. Au cours de
la bataille, le colonel avait bien failli
être fait prisonnier lorsque le Lancier
Lunel, ayant vu la situation, vint à son
secours pour le dégager.
Beaucoup d'hommes ont de terribles blessures
à la tête; beaucoup de chevaux sans
cavaliers reviennent instinctivement reprendre
leurs places dans les rangs. On fait l'appel : il
manque 170 hommes et 17 officiers. Et la bataille
est perdue...
Plusieurs rejoignent le régiment le
lendemain et les jours suivants.
La perte totale est :
|
Officiers
|
Sous officiers
& Troupe
|
Tués
|
2
|
25
|
Blessés
|
15
|
50
|
Disparus
|
8
|
40
|
Le 2e escadron est le plus éprouvé
: il revient avec un seul officier, le
sous-lieutenant Lecomte, le maréchal des
logis chef ( mdl chef ), le fourrier, un mdl et 30
cavaliers environ. Cet escadron qui formait la
droite du régiment avait dû charger
sans avoir terminé sa formation. Il avait
été pris en flanc par 2 escadrons ( 1
de Cuirassiers et 1 de Dragons ) qui, au moment
où s'entamait la charge, étaient
venus se former en potence.
La nuit venue, le feu cesse de part et d'autre
et la 2e brigade passe la nuit sur le plateau entre
Bruville et Ville sur Yron. Mais la défaite
de Rezonville coupe la route de Verdun et
empêche le mouvement de retraite
commencé la veille. Au lendemain de cette
bataille, les troupes françaises
reçoivent l'ordre de se replier sur Metz.
Le 18 août, le canon se fait encore
entendre; Les cavaliers sellent les chevaux mais la
division ne monte à cheval que dans
l'après midi. Le régiment des
Lanciers de la Garde ne prend pas part à la
bataille de Saint Privat où Canrobert est
contraint de se replier, faute de munitions pour
continuer le combat. Vers 10 heures du soir, le
régiment traverse le village de Chatel Saint
Germain au milieu d'un grand nombre de
blessés; il marche une partie de la nuit et
s'arrête aux environs du village de Sey
Chazellas, sous le fort de Plappeville.
Du 19 au 25 août, le régiment,
ainsi que toute la division de Cavalerie de la
Garde, sont au bivouac au Ban Saint Martin. Des
vivres sont distribuées, les chevaux se
reposent, on remet de l'ordre dans les escadrons...
Aprés cette semaine de repos, la division
se remet en mouvement. Elle passe la Moselle sur 3
ponts de bateaux construits près du polygone
et va camper dans l'île de Chambière.
Le régiment s'installe au bivouac à
peu près sur le même emplacement qu'il
avait occupé en arrivant à Metz le 27
juillet dernier.
Le 26 août, en pleine nuit, ordre est
donné de se lever sans bruit, de seller les
chevaux. Au petit jour, tout le monde est
prêt à marcher. Alors commence le
mouvement de l'armée qui se dirige vers le
fort Saint Julien. Le régiment, la bride au
bras et sous une pluie battante, assiste au
défilé des troupes qui passent sur la
rive droite de la Moselle, traversant l'île
Chambière pour monter au fort Saint Julien.
Enfin, vers 4 heures du soir, les têtes de
colonnes de l'infanterie de la Garde arrivent; mais
au moment où elles vont passer, un contre
ordre fait rebrousser chemin à tout le
monde. Le régiment s'établit au
bivouac entre la Moselle et le cimetière de
l'île Chambière où il reste
jusqu'au 31 août.
Le 30 août, une armée de secours
chargée de débloquer Metz et
commandée par Mac Mahon, se voit infliger de
sérieuses pertes par l'ennemi qui avait eu
auparavant tous les détails des
préparatifs de l'opération en lisant
la presse française. Au lendemain de cette
défaite, Mac Mahon décide de faire
retraite sur Sedan. Ce choix est funeste... environ
250000 soldats allemands encerclent les quelques
125000 Français massés dans Sedan.
Malgré une ultime tentative pour briser
l'étau allemand et en dépit d'une
héroïque charge des Hussards et des
Chasseurs d'Afrique, la défaite est
inéluctable.
Pendant ce temps, le mouvement, amorcé
par le régiment des Lanciers de la Garde le
26 août, sur le fort Saint Julien recommence;
dès le matin, le régiment est
prêt à monter à cheval mais ce
n'est qu'en fin d'après-midi, quand le canon
se fait entendre, que les escadrons montent
à cheval et se mettent en marche. Le son du
canon vient du village de Servigny-les-Sainte-Barbe
où se livre un combat auquel les Lanciers de
la Garde n'y prennent pas part. Vers 10 heures du
soir, le régiment arrive au fort
Saint-Julien et se met au bivouac.
Le 1er septembre, le combat de la veille
recommence. Dès le matin, la division de
Cavalerie de la Garde monte à cheval et
vient se masser en colonne serrée
près d'une batterie de mitrailleuses
où elle reste inactive jusqu'à midi.
A à ce moment, le feu cesse de part et
d'autre, et la marche en retraite est
ordonnée. La division vient reprendre ses
bivouacs de l'île de Chambière qu'elle
ne quittera, qu'après la capitulation.
A partir de ce jour, le régiment ne prend
aucune part aux sorties qui sont tentées.
Les vivres deviennent de plus en plus rares. Le
nombre de chevaux diminue chaque jour. Les uns
meurent à la corde, faute de nourriture, les
autres sont abattus pour servir à
l'alimentation des troupes.
Napoléon III essaie vainement de
négocier avec Guillaume de Prusse car
Bismarck et Von Moltke lui imposent non seulement
une capitulation totale mais également que
l'armée française - avec l'Empereur -
, soit emprisonnée en Allemagne, que l'Asace
et une grande partie de la Lorraine soient sous
domination allemande et que 4 milliards de francs
soient donnés en guise de réparation.
Pendant ce temps, toute la Cavalerie est
à pied. Les lanciers échangent leurs
lances contre des chassepots dont ils apprennent
rapidement le maniement. Les hommes, réduits
à la ration de 200 grammes d'un pain fait
avec toutes sortes de débris supportent
stoïquement toutes les privations.
Mais, l'heure fatale est sonnée... Le 27
octobre, Bazaine capitule à Metz. 175 000
hommes avec tout leur matériel sont faits
prisonniers de guerre. Trois jours plus tard, le
colonel et tous les officiers du régiment
accompagnent jusqu'au dernier moment et avec
émotion les sous officiers, brigadiers et
lanciers envoyés en captivité
à Meiss ( Basse silésie ). Quelques
jours plus tard, ce sera au tour des officiers de
connaître le même sort.
Ainsi se termine cette campagne qui, pour le
régiment des Lanciers de la Garde a
duré 102 jours.
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