Historique > 1815-1873


La guerre de 1870 - La bataille de Rezonville

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En 1862, le régiment des Lanciers de la Garde tient garnison à Fontainebleau. En 1867, il est à Paris où il est employé à la sécurité des souverains étrangers lors de l'Exposition Universelle.

En 1869, les 2e, 3e, 4e et 5e escadrons du régiment sont constitués en fractions mobilisées pour former une brigade active avec les Dragons de l'Impératrice.

Le régiment quitte Paris en fin d'année pour rejoindre Melun où il tiendra garnison jusqu'à la guerre de 1870.

Le 16 juillet 1870, le régiment reçoit l'avis de se tenir prêt à partir au premier ordre et le lendemain, la France déclare la guerre à la Prusse. Les français sont persuadés que la victoire ne leur échappera pas et ce sentiment est notamment perceptible chez les parisiens qui crient dans les rues :" A Berlin ! ".

Du 21 au 24 juillet, le régiment est acheminé par vagues successives à Nancy par le train. Le regroupement de l'ensemble du régiment s'opère dans la vallée de Malzéville ( sur la rive de la Meurthe ) au nord de Nancy.

Le 27 juillet, le régiment des Lanciers de la Garde traverse Metz pour s'installer dans l'île de Chambière où il séjournera jusqu'au 3 août sans faire aucun mouvement et où le Prince Impérial inspectera les troupes. Quelques accrochages ont déjà eût lieu la veille contre les Prussiens en Lorraine et il semblerait que le régiment n'y ait pas participé.

Le 4 août, alors que des combats sérieux ont lieu au sud de Wissembourg ( Bas-Rhin ), le régiment est mis en alerte dans la nuit. Il ne se mettra en mouvement que dans l'après-midi pour rejoindre la ligne de front.

Le 6, les Prussiens déclenchent une offensive simultanée en Alsace et en Lorraine. Mac Mahon et ses 46000 hommes à Froeschwiller et Frossard à Forbach subissent les assauts et le feu ennemis.

Au lendemain de cette attaque, la division de Cavalerie de la Garde se met en marche à la pointe du jour; elle suit un chemin vicinal pour aller se former dans le vallon de Boucheporn près de Limeng. Le régiment des lanciers s'arrête, les chevaux ne sont pas déchargés et les hommes conservent la bride au bras. Des reconnaissances sont envoyées en avant du front. Vers 2 heures de l'après midi, les cavaliers se remettent en marche vers l'Est. Deux heures plus tard, le régiment traverse le village de Longeville-les-saint-Avold, gravit les pentes escarpées qui dominent le village et s'établit au bivouac mais sans dresser les tentes.

Cependant, le canon continue de se faire entendre dans la direction de Forbach; déjà, le bruit de la défaite du Maréchal Mac-Mahon à Froeschwiller circule dans le camp et procure la plus vive inquiétude. La nuit, on donne l'alerte et l'ordre de monter à cheval, on crie "aux armes !", les hommes s'activent, se précipitent vers leur monture mais presque aussitôt, on donne un contre-ordre qui plonge les cavaliers dans l'inaction.

Le lendemain, l'armée française se replie sur Metz. Mac Mahon a été battu, tout comme Frossart. Le régiment suit le mouvement de retraite avec la division de Cavalerie de la Garde qui s'installera dès le 10 août au bivouac près de Maizery, sur les hauteurs qui forment la première ligne de défense du camp retranché de Metz.

Le 10 août, l'armée française semble vouloir offrir la bataille. La Division de Cavalerie de la Garde est au centre du dispositif, toujours sur le plateau de Maizery où elle reste en position tout le jour et une partie de la nuit suivante. Mais les cavaliers apprennent que l'ennemi se dérobe par une marche de flanc par le sud de Metz.

Le lendemain, au grand matin, le régiment des Lanciers de la Garde quitte sa position pour aller dans la direction de Metz et après une marche lente et pénible dans des terrains détrempés, il arrive dans la nuit dans les environs de Borny où il s'y installe jusqu'au 13 août.

Il faut signaler ici la situation sur le théâtre des opérations. Quelques jours plus tôt, le maréchal Bazaine a été chargé par l'Empereur d'opérer une jonction entre l'armée du Rhin avec celle de Mac-Mahon afin de stopper la marche des Prussiens sur Paris. Or, Bazaine désobéit aux ordres et préfére agir selon son idée. Le résultat est désastreux : les troupes françaises se font encercler autours de Metz par l'armée ennemie, l'ordre de retraite sur Verdun ayant été donné beaucoup trop tard.

Le 14 août, les troupes de Von Moltke passent à l'offensive mais elles se heurtent à une résistance acharnée des français. Quant au régiment des Lanciers de la Garde, bien qu'il soit en bivouac près de Borny, il ne prendra pas part aux combats qui auront lieu le 14 août dans le secteur. Il ne fera qu'un service de reconnaissance. Dans la soirée, le mouvement de retraite sur Verdun commence et le régiment traverse péniblement le long défilé des rues de Metz encombrées de blessés et de cadavres.

Le lendemain, la division de Cavalerie de la Garde, après avoir laissé défiler devant elle les différents corps de la garde avec leurs batteries, prend la queue de la colonne et se remet en marche. Dans l'après midi, les troupes françaises commencent l'ascension des collines de la rive gauche de la Moselle en suivant la route qui s'élève presque sur le plateau. L'Empereur est à Gravelotte. Le régiment des Lanciers de la Garde dépasse ce village et vient se former au delà sur plusieurs lignes. Les cavaliers mettent les chevaux à la corde mais les tentes ne sont pas dressées. Pendant la nuit, le régiment reçoit l'ordre de se tenir prêt à partir à la pointe du jour ( avec les Dragons de l'Impératrice ) pour escorter l'Empereur sur la route de Conflans.

le 16 août, à l'aube, la 2e brigade de Cavalerie de la Garde, sous le commandement du général Defrance, se met en marche. Les Dragons de l'impératrice précédent les voitures de l'Empereur; les lanciers de la garde les suivent.

La Troupe fait 35 km au trot, ne prenant le pas que dans les montées. Vers 8 heures du matin, après avoir dépassé Conflans, l'Empereur fait faire halte et des reconnaissances sont envoyées. Aprés quelques moments de repos, l'Empereur décide de continuer la route, escorté par les 1er et 3e régiments de Chasseurs d'Afrique qui étaient partis la nuit pour éclairer la route jusqu'à Conflans.

La Bataille de Rezonville

Aussitôt après le départ de l'Empereur, les cavaliers ont mis les chevaux à la corde et chacun s'occupe de préparer le repas lorsque vers 10 heures, une violente canonnade se fait entendre dans la direction de Rezonville, Vionville et Mars-la-Tour. Le bruit devenant plus intense, le général Defrance reçoit l'ordre du général du Barrail de faire monter à cheval et de marcher au canon.

En un instant, les escadrons sont prêts, la brigade part au trot, traverse le village de Villers les Prés et s'engage ensuite dans le bois de Greyere d'où s'entendent très distinctement les décharges des mitrailleuses et les feux des bataillons. Au-delà de ce bois se livre la bataille. Le village de Rezonville semble être le point sur lequel se dirigent les efforts des deux armées.

La bataille continue avec acharnement. Le général Du Barrail, avec le 2e régiment de Chasseurs d'Afrique est près du bois, formant l'extrême droite de la ligne française. Le général Defrance court mettre sa brigade à sa disposition.

Vers 2 heures de l'après-midi, un gros nuage de poussière très épais s'élève au delà de la route de Paris et indique un mouvement important de cavalerie. Le général du Barrail envoie un escadron de Chasseurs d'Afrique en tirailleurs pour reconnaître cette troupe tandis que le gros de la division se retire dans le bois. En même temps, une batterie d'artillerie prend position dans une clairière se tenant prête à écraser de son feu la troupe qui tenterait de s'approcher.

Devant ces dispositions, l'ennemi arrête sa marche et au lieu d'inquiéter le mouvement de retraite des tirailleurs du 2e Chasseurs, il "tourne bride" et disparait pour ne se montrer que plus tard dans la soirée.

Vers 6 heures du soir, un officier d'ordonnance envoyé par le général du Barrail prévient Defrance que la cavalerie allemande aperçue dans la journée revient pour chercher à tourner l'aile droite française pour tenter de tomber sur les derrières de l'infanterie. L'ordre est immédiatement donné de marcher à sa rencontre.

Pour joindre l'ennemi, il faut descendre un énorme ravin presque à pic, franchir un ruisseau fangeux, remonter ensuite le versant opposé et alors seulement se former sur le plateau. Ce mouvement difficile est néanmoins exécuté rapidement par les escadrons, à la voix du colonel Latheulade et le régiment continue à s'avancer au pas dans la direction du village de Ville sur Yron. Il se provient alors un moment d'incertitude sur la nationalité de la troupe qui est en vue, car la distance est encore grande. Mais bientôt, le doute n'est plus permis. Le colonel de Latheulade levant son sabre s'écrie : " ce sont eux ! Chargez ! " Ce commandement est vivement répété et les Lanciers partent au galop, la lance croisée. Les Allemands fondent sur le régiment aux cris de "Hurrah ! "... Le choc est terrible. Le premier rang allemand est presque entiérement détruit à coup de lance, la première ligne ennemie est traversée, puis une deuxiéme, puis une troisiéme...

A partir de ce moment, il est difficile de raconter nettement les incidents de cette grande lutte : au choc a succédé la mêlée; ce n'est plus que coups de sabre et de lance, détonations d'armes à feu, chevaux et cavaliers tombant les uns sur les autres, cris de rage et de désespoir...

Colonel de Latheulade

Cependant, le ralliement sonne et le régiment vient se reformer sur le plateau d'où il est parti. Les cavaliers allemands poursuivent les escadrons du régiment en hurlant leur cri de guerre "hurrah" et, arrivés sur le bord du ravin, couvrent de balles les malheureux cavaliers tombés avec leurs chevaux en voulant repasser le fossé fangeux.

Le colonel de Latheulade, atteint de nombreuses contusions - heureusement sans gravité - son sabre rouge de sang dont la lame est tordue, s'occupe alors de rallier ses lanciers. Au cours de la bataille, le colonel avait bien failli être fait prisonnier lorsque le Lancier Lunel, ayant vu la situation, vint à son secours pour le dégager.

Beaucoup d'hommes ont de terribles blessures à la tête; beaucoup de chevaux sans cavaliers reviennent instinctivement reprendre leurs places dans les rangs. On fait l'appel : il manque 170 hommes et 17 officiers. Et la bataille est perdue...

Plusieurs rejoignent le régiment le lendemain et les jours suivants.

La perte totale est :

Officiers

Sous officiers & Troupe

Tués

2

25

Blessés

15

50

Disparus

8

40

Le 2e escadron est le plus éprouvé : il revient avec un seul officier, le sous-lieutenant Lecomte, le maréchal des logis chef ( mdl chef ), le fourrier, un mdl et 30 cavaliers environ. Cet escadron qui formait la droite du régiment avait dû charger sans avoir terminé sa formation. Il avait été pris en flanc par 2 escadrons ( 1 de Cuirassiers et 1 de Dragons ) qui, au moment où s'entamait la charge, étaient venus se former en potence.

La nuit venue, le feu cesse de part et d'autre et la 2e brigade passe la nuit sur le plateau entre Bruville et Ville sur Yron. Mais la défaite de Rezonville coupe la route de Verdun et empêche le mouvement de retraite commencé la veille. Au lendemain de cette bataille, les troupes françaises reçoivent l'ordre de se replier sur Metz.

Le 18 août, le canon se fait encore entendre; Les cavaliers sellent les chevaux mais la division ne monte à cheval que dans l'après midi. Le régiment des Lanciers de la Garde ne prend pas part à la bataille de Saint Privat où Canrobert est contraint de se replier, faute de munitions pour continuer le combat. Vers 10 heures du soir, le régiment traverse le village de Chatel Saint Germain au milieu d'un grand nombre de blessés; il marche une partie de la nuit et s'arrête aux environs du village de Sey Chazellas, sous le fort de Plappeville.

Du 19 au 25 août, le régiment, ainsi que toute la division de Cavalerie de la Garde, sont au bivouac au Ban Saint Martin. Des vivres sont distribuées, les chevaux se reposent, on remet de l'ordre dans les escadrons...

Aprés cette semaine de repos, la division se remet en mouvement. Elle passe la Moselle sur 3 ponts de bateaux construits près du polygone et va camper dans l'île de Chambière. Le régiment s'installe au bivouac à peu près sur le même emplacement qu'il avait occupé en arrivant à Metz le 27 juillet dernier.

Le 26 août, en pleine nuit, ordre est donné de se lever sans bruit, de seller les chevaux. Au petit jour, tout le monde est prêt à marcher. Alors commence le mouvement de l'armée qui se dirige vers le fort Saint Julien. Le régiment, la bride au bras et sous une pluie battante, assiste au défilé des troupes qui passent sur la rive droite de la Moselle, traversant l'île Chambière pour monter au fort Saint Julien. Enfin, vers 4 heures du soir, les têtes de colonnes de l'infanterie de la Garde arrivent; mais au moment où elles vont passer, un contre ordre fait rebrousser chemin à tout le monde. Le régiment s'établit au bivouac entre la Moselle et le cimetière de l'île Chambière où il reste jusqu'au 31 août.

Le 30 août, une armée de secours chargée de débloquer Metz et commandée par Mac Mahon, se voit infliger de sérieuses pertes par l'ennemi qui avait eu auparavant tous les détails des préparatifs de l'opération en lisant la presse française. Au lendemain de cette défaite, Mac Mahon décide de faire retraite sur Sedan. Ce choix est funeste... environ 250000 soldats allemands encerclent les quelques 125000 Français massés dans Sedan. Malgré une ultime tentative pour briser l'étau allemand et en dépit d'une héroïque charge des Hussards et des Chasseurs d'Afrique, la défaite est inéluctable.

Pendant ce temps, le mouvement, amorcé par le régiment des Lanciers de la Garde le 26 août, sur le fort Saint Julien recommence; dès le matin, le régiment est prêt à monter à cheval mais ce n'est qu'en fin d'après-midi, quand le canon se fait entendre, que les escadrons montent à cheval et se mettent en marche. Le son du canon vient du village de Servigny-les-Sainte-Barbe où se livre un combat auquel les Lanciers de la Garde n'y prennent pas part. Vers 10 heures du soir, le régiment arrive au fort Saint-Julien et se met au bivouac.

Le 1er septembre, le combat de la veille recommence. Dès le matin, la division de Cavalerie de la Garde monte à cheval et vient se masser en colonne serrée près d'une batterie de mitrailleuses où elle reste inactive jusqu'à midi. A à ce moment, le feu cesse de part et d'autre, et la marche en retraite est ordonnée. La division vient reprendre ses bivouacs de l'île de Chambière qu'elle ne quittera, qu'après la capitulation.

A partir de ce jour, le régiment ne prend aucune part aux sorties qui sont tentées. Les vivres deviennent de plus en plus rares. Le nombre de chevaux diminue chaque jour. Les uns meurent à la corde, faute de nourriture, les autres sont abattus pour servir à l'alimentation des troupes.

Napoléon III essaie vainement de négocier avec Guillaume de Prusse car Bismarck et Von Moltke lui imposent non seulement une capitulation totale mais également que l'armée française - avec l'Empereur - , soit emprisonnée en Allemagne, que l'Asace et une grande partie de la Lorraine soient sous domination allemande et que 4 milliards de francs soient donnés en guise de réparation.

Pendant ce temps, toute la Cavalerie est à pied. Les lanciers échangent leurs lances contre des chassepots dont ils apprennent rapidement le maniement. Les hommes, réduits à la ration de 200 grammes d'un pain fait avec toutes sortes de débris supportent stoïquement toutes les privations.

Mais, l'heure fatale est sonnée... Le 27 octobre, Bazaine capitule à Metz. 175 000 hommes avec tout leur matériel sont faits prisonniers de guerre. Trois jours plus tard, le colonel et tous les officiers du régiment accompagnent jusqu'au dernier moment et avec émotion les sous officiers, brigadiers et lanciers envoyés en captivité à Meiss ( Basse silésie ). Quelques jours plus tard, ce sera au tour des officiers de connaître le même sort.

Ainsi se termine cette campagne qui, pour le régiment des Lanciers de la Garde a duré 102 jours.

 

La bataille de Solferino

La Commune de Paris